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Marcus Malte - Le Garçon.Le garçon / Marcus Malte. Zulma, 2016. 535 pages. 

Il n’a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. Nous sommes en 1908 quand il se met en chemin – d’instinct. Alors commence la rencontre avec les hommes : les habitants d’un hameau perdu, Brabek l’ogre des Carpates, philosophe et lutteur de foire, l’amour combien charnel avec Emma, mélomane lumineuse, tout à la fois soeur, amante, mère.
« C’est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l’existence : nombre de ravages et quelques ravissements. » Puis la guerre, l’effroyable carnage, paroxysme de la folie des hommes et de ce que l’on nomme la civilisation. Itinéraire d’une âme neuve qui s’éveille à la conscience au gré du hasard et de quelques nécessités, ponctué des petits et grands soubre-sauts de l’Histoire, le Garçon est à sa façon singulière, radicale, drôle, grave, l’immense roman de l’épreuve du monde.

Comme Marie NDiaye, voici un moment que les romans de Marcus Malte me faisaient de l’oeil, sans que je prenne le temps de les ouvrir et de me faire ma propre opinion sur des ouvrages amplement cités dans la presse critique ou juste salués pour leurs sorties ou le prix reçu. Voilà qui est désormais fait pour 2016, même si vu leurs  bibliographies respectives, la palette de lecture reste encore bien ouverte.

Je suis tombée sous le charme de cet ouvrage dans toute sa première partie. Des phrases courtes, percutantes. Roman d’initiation pour certains, de la débrouille et de l’apprentissage par soi-même ou par imitation avant tout. La vie de ce garçon sans nom, presque sans âge est parfois difficile à lire et à son image, nous nous noyons parfois sous les mots et la folie des hommes. Mais le rendu sous la plume de Marcus Malte est tel que j’ai poursuivi ma lecture, avide de connaître la destinée de cet enfant, de ses rencontres et espoirs. Les personnages rencontrés sont tous, à mon sens, haut en couleurs. Le garçon ne s’y trompe pas et donne à chacun des membres du « village » des surnoms qui leur correspond à merveille. Cette première immersion nous plonge dans une nature humaine bien négative ; même les enfants ont leur part d’ombre. Seul l’innocent, cet éternel enfant ne fait que donner sans attendre en retour. La seconde rencontre avec l’Ogre est là-aussi d’une belle tournure et le garçon, grâce à cet homme, apprend toujours plus, même si sa communication reste à l’état brut.

La seconde et dernière partie m’a ennuyée. Cette envolée lyrique de l’éveil aux sentiments, de l’amour physique, ces échanges m’a laissé totalement de marbre. Elle m’a parue bien longue et j’attendais avec impatience de voir où tout cela allait nous mener. Marcus Malte sait trouver les mots pour décrire la Guerre, la boucherie comme la camaraderie et le quotidien de ces hommes de troupe. Il sait nous rappeler l’impact de la censure, la vision biaisée de l’état-major ou des hommes politiques, montre adroitement la vie au front comparée aux nouvelles et au quotidien des villes. L’impact de ces combats sur les hommes, même sur ce garçon qui dès son plus jeune âge a tout vu et tout connu.

Vous l’aurez compris, j’ai trouvé ce roman inégal sur sa durée, parfois bavard (trop). Certaines pages sont absolument époustouflantes, et je n’ai fait que survoler d’autres pages. Roman épique mais par trop décousu à mes yeux, il n’en reste pas moins un beau tour de force et une vision historique de cette période et particulièrement de la Première Guerre Mondiale, vue de l’intérieur. En dépit de ce que j’ai ressenti comme des faiblesses, l’existence de ce garçon est en un mot, attachante. Marcus Malte nous dit beaucoup et portant il nous manque tant d’éléments le concernant.