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Véronique de Bure - Un clafoutis aux tomates cerises.Un clafoutis aux tomates cerises / Véronique de Bure. Flammarion, 2017. 384 pages

Au soir de sa vie, Jeanne, quatre-vingt-dix ans, décide d’écrire son journal intime. Sur une année, du premier jour du printemps au dernier jour de l’hiver, d’événements minuscules en réflexions désopilantes, elle consigne ses humeurs, ses souvenirs, sa petite vie de Parisienne exilée depuis plus de soixante ans dans l’Allier, dans sa maison posée au milieu des prés, des bois et des vaches. La liberté de vie et de ton est l’un des privilèges du très grand âge, aussi Jeanne fait-elle ce qu’elle veut – et ce qu’elle peut : regarder pousser ses fleurs, boire du vin blanc avec ses amies, s’amuser des mésaventures de Fernand et Marcelle, le couple haut en couleurs de la ferme d’à côté, accueillir – pas trop souvent – ses petits-enfants, remplir son congélateur de petits choux au fromage, déplier un transat pour se perdre dans les étoiles en espérant les voir toujours à la saison prochaine…

Véronique de Bure parle d’un sujet qui fait détourner le regard de bon nombre d’entre nous, quel que soit l’âge que nous avons : la vieillesse. Non il n’est pas question d’Ehpad, de maltraitance etc. ici, mais du quotidien et du déclin quasi invisible de cette vieille dame qui se retrouve progressivement isolée. Elle vit à la campagne mais ces faits et gestes doivent être bien similaires à ceux de personnes vivant en ville. Bien entendu la difficulté majeure reste l’isolement, les distances, mais Jeanne a la chance, en dépit de son grand âge, de pouvoir encore conduire et de poursuivre ses activités, même si au fil des pages, son indépendance s’amenuise.

Le charme de cet ouvrage est qu’il ne se focalise pas uniquement sur cette personne. Elle évoque son passé et son présent. Ses voisins plus très jeunes non plus chez qui la maladie s’installe également, ses amis les plus proches et les enterrements des uns et des autres (sans esprit négatif ou sombre) en faisant simplement le constat que ses amis disparaissent un à un, que la maladie, la mort frappe au hasard même ceux plus jeunes ou qui semblaient en bonne santé la veille .

Le quotidien de Jeanne c’est aussi sa famille : ses enfants, petits-enfants qui souhaitent l’entourer, l’aider en dépit de la distance. Une présence qui la réjouit et l’agace tout à la fois devant le désordre, le bruit et le fait que ses habitudes soient bousculées. Jeanne a du mal à trouver sa place dans la modernité, dans les trop brusques changements et a davantage peur des cambrioleurs que de la mort. Néanmoins, la maladie, les nouveaux obstacles qui se créent devant elle avec le manque de force, la fatigue ou les oublis sont parfois difficiles à surmonter.

Chronique d’une personne âgée, écrite avec pudeur, sensibilité et vraisemblance. L’auteur nous distille un peu de l’histoire de Jeanne sans en faire trop. Bien entendu on connaît la chute de l’histoire même si elle n’est pas écrite.