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2016, années 80, Antoine Laurain, élections présidentielles, communication, musique, rêves, Temps
Rhapsodie française / Antoine Laurain. Flammarion, 2016. 276 pages.
Un entrepreneur du Net soudainement populaire au point que les Français voudraient en faire leur prochain président, un artiste contemporain dont la dernière oeuvre – un cerveau géant de vingt-cinq mètres de haut – vient d’être installée dans les jardins des Tuileries, le leader mégalomane d’un groupuscule d’extrême droite, une starlette de films X venue du fin fond de la Russie, un antiquaire décédé dans des circonstances bien particulières, un médecin généraliste en quête d’une cassette contenant les chansons du groupe de pop dont il faisait partie dans les années 80.
Leur point commun ? Une lettre qui aurait pu donner un tout autre cours à leur vie, et qui vient d’arriver à son destinataire avec… trente-trois ans de retard. Dans ce conte moderne, Antoine Laurain entrecroise avec malice les destins de personnages hauts en couleurs et compose un étonnant portrait de la France d’aujourd’hui.
Même si j’avais entendu de bons échos du « Chapeau de Mitterrand », j’avais délaissé Antoine Laurain ces derniers temps. Avant de me pencher vers les deux opus précédents, voici son dernier roman. J’y ai retrouvé sa plume légère et sensible. J’entends facile chez certains, mais non, je ne suis pas d’accord. Et à la lecture d’auteurs contemporains, j’avoue préférer son style à bon nombre d’auteurs actuels.
Antoine Laurain parle d’une époque qui ne m’est pas inconnue, d’artistes de ma génération, situe son action aujourd’hui et je trouve donc aisé de m’y retrouver, de comprendre certaines lignes ou sujets abordés. Si je n’ai pas la 50aine de ses personnages, il est certain que j’ai vu les changements dont il parle : l’évolution musicale, technologique et, comme ses protagonistes, mes amis et moi avions des rêves et il amusant de voir aujourd’hui ce que nous sommes devenus. Bref le temps qui passe, les oublis, les retrouvailles pour une occasion ou une autre et un jour, on se replonge sur son passé.
Pour Alain, docteur, c’est un courrier qui trouble son quotidien ; une lettre égarée par La Poste comme il en arrive parfois et qui va le pousser à retrouver ses anciens comparses des Hologrammes. Il ne s’agit pas vraiment d’une quête réelle car, à l’exception de Bérengère il sait ce que chacun est devenu, via des bribes éparses ou des rencontres. Bien entendu, il lui manque des éléments, mais cette lettre va lui servir de fil conducteur comme Antoine Laurain va l’utiliser pour relier les uns aux autres. Si certains lecteurs ont avoué se perdre dans les chapitres passant des uns aux autres, j’ai trouvé l’ensemble logique et clair. Car non, il n’est jamais simple d’aborder son passé ou des gens dont la vie ne fait plus partie de la vôtre.
J’ai apprécié que l’auteur se penche sur la conjoncture économique et politique. Le risque est peut être que ce roman ne soit pas forcément compris dans un futur proche, du moins toutes les allusions politiques, mais cela donne une couleur réelle à l’ensemble et lui permet des clins d’oeils parfois assez drôles. La mention des communicants dont pas un de nos politiciens, chefs d’entreprise, artiste ne sait se passer à l’heure actuelle, fait partie des passages qui m’ont fait sourire. Je ne résiste pas :
page 153 – « Ce qu’il y avait d’agréable et de motivant avec Domitile, c’est que tout était toujours « formidable » « merveilleux « exactement ça ». Ces communicants avaient dû être élevés dans des pouponnières spéciales – des transfusions d’optimisme et de confiance en soi avaient dû passer dans leurs veines via des goutte-à-goutte dès leur arrivée sur terre. En fait, leur métier ne consistait peut-être qu’à tenter de transmettre ce fabuleux fluide à leurs clients. (…) »
J’avoue que j’entends cela à chaque nouveau projet, rencontre avec des responsables / dirigeants de la société pour laquelle je travaille (en anglais, mais le rendu est le même) d’où mon grand sourire.
Vous l’aurez compris je ne peux que vous inviter à lire ce roman.