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adolescence, Cécile Roumigière, communication, enfance, racisme, référence parentale
Les fragiles / Cécile Roumiguière. Editins Sarbacane, 2016. 197 pages.
Drew a dix-sept ans, on est grand à dix-sept ans. On a eu le temps d’apprendre à savoir qui on est. Pourtant, dans sa tête, Drew est encore cet enfant de neuf ans qui a pris le racisme de son père en plein plexus. A la sortie d’un match de hand, au volant de sa camionnette, son père a renversé Ernest, le gardien du stade, et s’est enfui sans le secourir. Il n’allait pas s’arrêter pour un sale nègre…
Ce jour-là, Drew a grandi trop vite. Qui croire ? Sa mère et l’école, qui lui apprennent qu’on est tous pareils, ou ce père raciste, borné, qui rêve d’un fils tout en muscles et nul en maths ? Drew déteste son père tout en cherchant à lui plaire. A l’école, il se saborde en ratant exprès ses devoirs … … jusqu’au jour où il rencontre Sky, une fille aussi fêlée que lui. En fusionnant leurs fêlures, les Fragiles arriveront-ils, enfin, à faire passer la lumière.
Fragilité de l’enfant, de l’homme en devenir, des souvenirs conscients ou non. Avec beaucoup de sensibilité, Cécile Roumiguière mêle des sujets forts liés à la famille et au développement de cet être en devenir. Comment se construire lorsque les modèles s’opposent aux valeurs qui sont enseignées ou transmises uniquement par un des parents ? Drew se cherche, et en dépit de ses sentiments mêlés, il souhaiterait plaire à son père. Un père sans doute pas exemplaire, exécrable, haïssable par ses attitudes envers les autres mais également envers sa famille. Même s’il n’est pas le héros, ce père nous allons le découvrir via cette plume lui-aussi, bien fragile.
Quant à Drew, en moins de 200 pages nous allons le découvrir dans ses hésitations, ses souffrances, ses enfermements, sa solitude et ses envols vers autre chose : à travers les jeux vidéos, l’automutilation, la musique, l’amour, le sport…. Il cherche un échappatoire, une lutte sans fin et inexorable pour essayer de trouver sa place dans sa famille, mais également dans la société.
Un petit pan de l’adolescence nous est entrouvert par ce portrait tout en nuances et délicatesse. Le tableau est parfois noir à l’image du style adopté par Sky que Drew rencontre par hasard qui, comme lui, cherche à obtenir ce qu’elle attend de ses parents : un peu d’attention, beaucoup d’amour avec les difficultés de communication que tout un chacun connaît mais qui semblent si inextricables en vieillissant, en contradiction avec cette petite enfance idéalisée.
La fragilité, même si elle est particulièrement accès sur ces adolescents, est traitée à tous les niveaux dans cet ouvrage. Suivant l’âge et l’expérience du lecteur, l’écho sera sans doute différent. Ce roman s’adresse plus particulièrement aux adolescents, mais il mérite d’être lu par tout public.