Québec en septembre 2014

Québec en Septembre, chez Karine –  tous les billets – et chez Yue-Yin

Si tu passes la rivière / Geneviève Damas. Hamac, 2013. 151 pages.

 

«Si tu passes la rivière, si tu passes la rivière, a dit le père, tu ne remettras plus les pieds dans cette maison». C’est ainsi que commence la poignante histoire de François, jeune paysan naïf et ultra sensible en quête de vérité et de liberté. Prisonnier de son milieu familial rigide et fermé, il passe le plus clair de son temps à garder les cochons auxquels il parle et se confie. Avec ce premier roman, Geneviève Damas dépeint d’une manière très juste un univers rempli d’humanité, de compassion et de silences.

Comment parler de ce court roman si simple soit-il mais si prenant ? Tout cela va vous sembler banal à l’image que certains auront sans doute de cette histoire, mais cette simplicité donne toute la force à ces pages.

Qui est François, cet enfant, me suis-je dit ? Qu’est-il advenu à sa mère, à sa soeur, mais également à Jean-Paul ? Qui est-il ? Des questions que je découvre dans les premières pages. Mais, François, si simple, n’est pas l’enfant que j’imaginais. Il a 17 ans. Et, ce sont les silences, l’isolement, et l’illettrisme qui en font aux yeux de tous, un idiot. Mais François n’est pas celui que l’on croit, même s’il est naïf et bien loin de voir le mal, là où les autres ne discernent que cela. Son but est de partager : des histoires, un peu d’amour maternel, de la gentillesse, des propos, même ceux du quotidien. Tout ce que son père et ses frères sont bien incapables de lui donner.

Alors il les cherche auprès des cochons qu’il garde, dans les histoires qu’il échange avec la truie qu’il a choisi pour partager ses secrets. Car les truies, ses frères ne les tuent pas pour en faire du saucisson donc il est certain de ne pas perdre son interlocutrice (je vous le disais, il est bien loin de l’idiot que l’on voit en lui). Il lui raconte une histoire lue, elle lui raconte sa vie quotidienne, son combat de la vie ordinaire. Non, François n’est pas fou ! Ne fuyez pas, si étrange que cela vous paraisse. Il a juste besoin d’amis, d’une famille qui l’écoute et qui partage. Alors même si son frère lui a offert un accordéon qui l’accompagne, s’il va parfois au marché, s’il s’occupe de la maison et n’a pas peur de travailler, le temps file et ses besoins s’affirment. Il comprend que pour obtenir les réponses qu’il cherche, il doit savoir lire et vu l’âge qu’il a désormais le chemin de l’école lui est désormais quasi interdit. Il trouve une solution, des solutions, ce qui nous permet de le suivre dans ses rencontres, de sortir de la ferme. Sa résolution s’affirme et ses décisions d’aller de l’avant également. Même s’il ne comprend pas tout, le curé, Amélie, la vieille Lucie, puis les rencontres au marché lui ouvrent les portes d’un monde inconnu, de son monde.

Car en apprenant à lire, en rencontrant et en discutant avec les autres, François va s’émanciper. Et surtout, découvrir ses origines.

Comme je le disais, des mots simples, une vie simple, mais ce texte a chanté sous mes yeux et je l’ai lu avec une facilité et un bonheur conjugué.

Un très grand merci à Abeille qui m’a offert ce roman et me permet de découvrir les auteurs qu’elle aime.