A suspicious River / Laura Kasischke. Traduit de l’américain par Anne Wicke. Christian Bourgeois éditeur, 1999 ( Points). 404 pages.
Leila a vingt-quatre ans. Elle est réceptionniste au Swan Motel, à Suspicious River, une petite ville tranquille du Michigan. Et pour quelques dollars de plus, elle peut être comprise dans le prix de la chambre. Elle vend son corps sans passion, sans tristesse, sans avidité de l’argent non plus. Sainte et martyre, Leila est au-delà de son propre corps, plus sensible à la matière du monde qu’aux hommes. La clé de sa descente aux enfers gît dans l’enfance, et Leila sait, sans doute, qu’elle rejoue le destin tragique de sa mère, la parabole d’Eros et Thanatos (*) au terme de laquelle, peut-être, elle découvrira qui elle est…

Tout au long de ce roman, j’ai été très partagée par ma lecture : envie de crier « stop » et néanmoins l’envie de connaître la chute, de comprendre ce que fut la vie de Leila jusqu’à ces quelques jours que nous passons avec elle, et plus particulièrement de savoir ce qui est arrivé à sa mère et en quoi ces événements ont pu la pousser à cette insensibilité par rapport à ce qui l’entoure, à cette négation de son corps, de tout, semble-t-il. Est-elle naïve, idiote, vous demandez-vous au fil de votre lecture, tant la personnalité de Gary et de l’intrigue vous semblent cousus de fils blancs ?
Rien n’est jamais évident dans ce roman noir, et la narration parallèle de l’enfance de Leila laisse votre imagination galoper plus vite que votre lecture. Bien entendu, vous aviez deviné juste par rapport à bon nombre de faits, mais vous êtes loin d’avoir toutes les cartes en mains, et c’est bien là la force de Laura Kasischke, qui vous pousse dans vos derniers retranchements, qui vous oblige à tourner les pages malgré l’écoeurement de situations.
En dépit de la force du récit, d’un mélange de style poétique (? – moi qui suis totalement hermétique à la poésie, je m’interroge si la terminologie est exacte) et d’une force de réalisme je suis loin d’être aussi enthousiaste que d’autres lecteurs.
Néanmoins je ne regrette pas d’être allée jusqu’au bout car j’ai réellement trouvé les dernières pages d’une force et d’une poésie rare.

Les avis de Ys, de Fashion (à qui je dois le prêt de cet ouvrage), Joelle,