Étiquettes
Apaches, indiens, Jim Fergus, Ned Giles, photographie, Sierra Madre
La fille sauvage / Jim Fergus. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Luc Piningre. Le Cherche Midi, 2004 (Collection Ailleurs). 340 pages.
Après Mille femmes blanches, Jim Fergus confirme son exceptionnel talent de conteur en nous livrant ici le destin bouleversant d’une héroïne hors du commun :La Fille sauvage. Sierra Madre, 1932 : capturée par un chasseur de pumas, une jeune indienne, la niña bronca, est livrée en spectacle aux curieux dans une sordide geôle mexicaine. Elle appartient à l’une des dernières tribus apaches qui, ayant refusé de pactiser avec les Blancs, vivent à l’état « sauvage » dans les montagnes.
Un jeune photographe, Ned Giles, et la niña bronca vont devenir les héros d’une épopée mouvementée et meurtrière, doublée d’une merveilleuse histoire d’amour à l’issue improbable. Pour cette fresque épique et romantique, Jim Fergus s’inspire des faits tragiques et dissimulés de l’histoire de l’Ouest : la niña broncaa réellement existé, de même que la Grande expédition apache, ligue de « gentlemens » fortunés qui, au nom de la défense de l’Amérique, sont allés aveuglément « massacrer de l’Indien ». Hymne à la culture indienne, qu’une « civilisation » s’acharne à anéantir, mais aussi magnifique portrait de femme, La Fille sauvage est un roman captivant.
J’ai découvert « Mille femmes blanches » à sa sortie et j’avais dévoré ce roman. Depuis j’ai lu d’autres ouvrages de Jim Fergus, acquis la suite de ce premier roman (toujours sur mes étagères), mais j’ai entre temps pris le temps de lire « La fille sauvage » dans lequel j’ai retrouvé les qualités de la plume de Jim Fergus, sa minutie et les recherches entreprises sur des « détails » de l’histoire. Il sait avec beaucoup d’habileté nous plonger dans l’histoire, sans que l’on sache où fiction et réalité se rencontrent, tout en donnant des informations historiques oubliées, parfois hautes en couleurs ou des faits si précis que les images se collent à notre rétine. Ici cette vision prend tout son sens, car son personnage principal est Ned Giles, apprenti photographe qui va apprendre son métier de photographe et reporter en se frottant à la vie réelle après le décès de ses parents. Ned se lance dans l’aventure au hasard d’une petite annonce qui initialement ne le concerne en rien puisqu’elle s’adresse à des gentlemans fortunés, avides de sensations fortes, de pêche et de chasse qui doivent payer pour accompagner une expédition, sous couvert de rechercher un enfant enlevé par les derniers membres des apaches.
En suivant Ned, c’est tout un pan de cette période que nous découvrons : la grande crise, la vie de ces hommes fortunés, leur indolence/insolence, mais aussi le contexte d’une petite ville minière à la frontière du Mexique : la pauvreté et l’exploitation des filles de la région. Plus Ned nous narre ces nouveaux espaces, plus les détails afflux. La Sierra Madre, ses collines, ses escarpements nous est transcrite et alors que nous y prêtons sans doute une attention moindre tout cela est important car notre personnage y reviendra des années plus tard sans rien reconnaître de ces années 30. La civilisation sera passée par là. Mais ce n’est pas simplement une page d’histoire, la découverte de l’oeil d’un futur professionnel que Jim Fergus nous donne, c’est également la fin d’une des dernières tribus apaches qu’il nous permet de découvrir. Quelques membres qui se refusent à adopter la vie de pauvreté et de réserve qui lui est promise, préférant poursuivre sa voie, sa vie d’autrefois, faite de misère, liberté et soumise aux chasseurs de scalps d’apaches.
Sa rencontre avec la niña bronca va modifier l’existence de Ned et de ceux qui vont la croiser. Jeune femme belle, indépendante, fière, mais chassée comme n’importe quel animal sauvage. Ce sont des images à la fois magnifiques et révoltantes de la folie des hommes qui nous sont restituées dans ses pages. L’image du bon sauvage n’est pas reprise, ni idéalisée ; ce roman en quelque sorte initiatique, montre la proximité de cette tribu avec la nature, leur cohésion et force, leur sauvagerie et la folie de certains comme dans tous les peuples. Une dernière illustration de la beauté brute de la nature comme de ces hommes épris de liberté. A sa mesure, Ned cherchera lui-même cette indépendance tout au long de sa vie.