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Portrait de l’artiste en hors-la-loi / Fiona Capp. Roman traduit de l’anglais (Australie) par Isabelle Roy. Actes Sud, 2009. 363 pages
1871. Jemma Musk, jeune femme dont les parents sont décédés, s’installe comme préceptrice à Wombat Hill, petite ville de l’arrière-pays australien où les chercheurs d’or ont fait place à la bourgeoisie. Douée pour le dessin et la peinture, ayant eu le meilleur des maîtres, elle est cependant l’Artiste, mal vue par la bonne société et harcelée par le chef de la police locale, O’Brien, homme violent dont elle a repoussé les avances. Mariée à un émigrant italien, devenue mère, Emma n’en garde pas moins ses rêves de liberté, de beauté, et c’est en toute innocence qu’en compagnie d’un géologue établi dans la région, rêveur lui aussi à sa manière, elle arpente le bush. Et si les rocailles peuvent former les puissants arrière-plans de portraits, un sol percé de galeries de mines reste une hase instable, fragile, dangereuse. Fiona Capp signe ici un très beau récit, où l’image est fine, les sentiments doucement amenés, la couleur locale parfaite, les personnages attachants. C’est de l’impressionnisme dans l’écriture, un tableau peint devant nos yeux, cadre dans lequel évolue la femme, l’artiste sensible, celle qui perçoit plus qu’elle ne détermine.
Le roman est intéressant par la liberté d’esprit et l’indépendance de l’héroïne : Jemma. Son père lui a laissé les portes grandes ouvertes pour s’ouvrir à sa passion : la peinture mais, a également échangé avec elle, lui abandonnant un libre arbitre correspondant mal à l’époque. N’étant pas riche à millions et cette histoire commençant après son décès, j’ai du mal à imaginer l’existence qu’il envisageait pour sa fille. Mais sans cela l’histoire ne serait pas la même et l’auteur n’aurait pu l’affranchir de sa spontanéité et de ses talents artistiques.
Car ce roman est également une ode à la peinture, aux bouleversements dans la composition. Jemma découvre dans les quotidiens « Le Salon des refusés » et les impressionnistes. Elle s’en inspire pour ses oeuvres et ne fait qu’engendrer un peu plus l’incompréhension ; rien dans cette jeune femme ne correspond aux attentes sociales. Cette histoire parle également de cette communauté suisse-italienne, de la ruée vers l’or, de ces villes qui se créent et, un peu, des fabuleux paysages australiens. Portrait de femme, d’une nation en création, d’un quotidien. Tous les éléments sont habilement mélangés pour en faire un beau roman d’une femme en quête de ses sentiments et de son intégration.
Pas forcément un livre inoubliable mais un bon moment de lecture.