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Les suprêmes / Edward Kelsey Moore. Roman traduit de l’américain par Cloé Tralci avec la collaboration d’Emmanuelle et de Philippe Aronson. Actes Sud, 2014. 316 pages.
Elles se sont rencontrées à la fin des années 1960 et ne se sont plus quittées : tout le monde les appelle «les Suprêmes», en référence au célèbre groupe de chanteuses des seventies. L’intrépide Odette converse avec les fantômes et soigne son cancer à la marijuana sur les conseils avisés de sa défunte mère, tandis que la sage Clarice endure les frasques de son volage époux pour gagner sa part de ciel.
Toutes deux ont pris sous leur aile Barbara Jean, éternelle bombe sexuelle que l’existence n’a cessé de meurtrir. Complices dans le bonheur comme dans l’adversité, ces trois irrésistibles quinquas afro-américaines se retrouvent tous les dimanches dans l’un des restaurants de leur petite ville de l’Indiana : entre commérages et confidences, rire et larmes, elles se gavent de poulet frit en élaborant leurs stratégies de survie.
Invitation à une lecture aussi décalée que féconde de la problématique raciale aux Etats-Unis, ce formidable roman de l’amitié et de la résilience s’affirme comme une exemplaire défense et illustration de l’humanisme conçu comme la plus réjouissante des insurrections.
Un roman sympathique, où l’humour côtoie le quotidien ou les événements plus graves de l’existence. Mais tout cela est possible grâce aux Suprêmes : Odette, Clarice et Barbara Jean que nous découvrons alors que leur existence est déjà bien entamée. 3 femmes aujourd’hui qui se sont rencontrées enfants, que tout différenciaient mais que la vie a rapproché. C’est dans leurs différences qu’elles restent liées les unes aux autres, dans l’appréhension de leur vie. Chacune aurait pu tourner la page mais leurs liens sont là envers et contre le temps.
Non la vie n’a pas été forcément tendre avec les unes ou les autres qu’il s’agisse d’hier – que nous allons découvrons par micro flashs – ou d’aujourd’hui. Mais face au quotidien, au racisme ordinaire et à une société qui a évolué à différentes vitesses, ces femmes ont su conserver leur entente et complicité. Et, tout en nous racontant leur histoire, c’est un peu de cette Amérique, des droits accordés aux noirs, et à la vie quotidienne qu’Edward Kelsey Moore nous raconte à petites touches. En y ajoutant des figures drôles, des personnages hauts en couleurs et des dialogues parfois savoureux, l’auteur accorde à ses héroïnes une liberté d’esprit que les travers de la vie ne sont jamais parvenus à leur enlever.
Ce n’est certes pas le roman le plus original que j’ai eu l’occasion de lire, mais il se découvre avec plaisir et se lit quasi d’une traite, vous passant du rire aux larmes en quelques instants.