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A l’orée du verger / Tracy Chevalier. Traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff. Quai Voltaire, 2016. 324 pages
En 1838, la famille Goodenough s’installe sur les terres marécageuses du Black Swamp, dans l’Ohio. Chaque hiver, la fièvre vient orner d’une nouvelle croix le bout de verger qui fait péniblement vivre ces cultivateurs de pommes. Tandis que James, le père, tente d’obtenir de ces terres hostiles des fruits à la saveur parfaite, la mère, Salie, en attend plutôt de l’eau-de-vie et parle à ses enfants disparus quand elle ne tape pas sur ceux qui restent.
Quinze ans et un drame plus tard, leur fils Robert part tenter sa chance dans l’Ouest. Il sera garçon de ferme, mineur, orpailleur, puis renouera avec la passion des arbres en prélevant des pousses de séquoias géants pour un exportateur anglais fantasque qui les expédie dans le Vieux Monde. De son côté, sa soeur Marcha n ‘et eu qu’un rêve : traverser l’Amérique à la recherche de son frère. Elle a un lourd secret à lui faire partager…
Tracy Chevalier nous plonge dans l’histoire des pionniers et dans celle, méconnue, des arbres, de la culture des pommiers au commerce des pins millénaires de Californie. Mêlant personnages historiques et fictionnels, des coupe-gorge de New York au port grouillant de San Francisco, A l’orée du verger peint une fresque sombre mais profondément humaniste, et rend hommage à ces femmes et ces hommes qui ont construit les Etats-Unis.
La culture des pommes, cette fois me direz-vous ? Oui et non. L’idée est un peu plus complexe que cela car si toute l’histoire démarre à partir d’un pommier : la rencontre, comme le futur de la famille Goodenough ; ces pommes sont avant tout l’occasion pour Tracy Chevalier de nous raconter la difficile existence des familles tentant de se faire une place toujours un peu plus dans l’Est. Car, les terres exploitées par les 1er migrants ne suffisent pas toujours à nourrir la famille et les descendants sont obligés de bouger. James et Salie s’arrêtent sur des terres difficiles et reprennent le quotidien de leurs ancêtres. La première partie de ce roman repose donc sur le quotidien de cette famille : se nourrir, survivre à l’hiver, engranger suffisamment de provisions pour les prochains mois de grands froids, combattre les fléaux de la région : marécages, animaux et fièvre…. mais il faut aussi compter sur la part humaine, sur cette promiscuité et des caractères que cet univers n’aide pas toujours. Chacun cherche son bonheur là où il peut : pour le père de famille, les pommiers, leur bouturage comme leurs récoltes. Pour la mère la recherche de l’oubli se trouve dans l’alcool. Au milieu, comme souvent, des enfants qui engrangent travers et vie quotidienne, « guidés » par leurs parents.
Ce roman c’est avant tout l’histoire de greffes : comme les pommiers ou autres arbres dont il sera question, parfois les boutures s’épanouissent quelle que soit la terre qui les nourrit, les plus faibles meurent ou alors que peu d’espoir résidait dans leur faible constitution, la vie, leur caractère en décide autrement. Oui, cela peut paraître un peu simplet mais lorsqu’un jeune garçon, Robert, part de la demeure familiale, nul ne sait ce qui peut advenir. Pendant une 10aine d’années nous allons l’apprendre par quelques lettres éparses qu’il envoie comme il peut à sa famille, se refusant à couper le lien ; elles donnent une idée de la vie dans l’est, du mouvement qui se propage vers la Californie. C’est là que nous le retrouverons, chercheur d’or puis devant des séquoias géants. Terre aride, terre fertile. Toujours cette opposition. L’Europe, terre de départ est désormais prête à accueillir, fortune aidant et développement économique également les merveilles de cette terre promise : la végétation.
Des détails que j’ignorais. Alors bien entendu l’auteur joue avec la réalité, s’appuyant sur des contemporains ayant réellement existé. Et même si son roman prend quelques raccourcis, je suis restée captive de cette lecture pas mièvre pour un sou. Sans doute, jamais je ne retrouverais le charme de la lecture de « La jeune fille à la perle », mais l’histoire est bien construite et habilement menée. Vous découvrirez par le truchement de lettres postérieures ce qui a suscité le départ de Robert. Laissons un peu de mystère….
Le billet de Titine,