Coup de coeur ♥♥♥♥♥
Ru / Kim Thuy. Liana Levi, 2010. 143 pages.
Une femme voyage à travers le désordre des souvenirs : l’enfance dans sa cage d’or à Saigon, l’arrivée du communisme dans le Sud-Vietnam apeuré, la fuite dans le ventre d’un bateau au large du golfe de Siam, l’internement dans un camp de réfugiés en Malaisie, les premiers frissons dans le froid du Québec. Récit entre la guerre et la paix, Ru dit le vide et le trop-plein, l’égarement et la beauté. De ce tumulte, des incidents tragi-comiques, des objets ordinaires émergent comme autant de repères d’un parcours.
En évoquant un bracelet en acrylique rempli de diamants, des bols bleus cerclés d’argent ou la puissance d’une odeur d’assouplissant, Kim Thúy restitue le Vietnam d’hier et d’aujourd’hui avec la maîtrise d’un grand écrivain.
Oui il est très rare que j’affiche ainsi la couleur (Coup de coeur ♥♥♥♥♥)mais je dois avouer que mes amies québécoises avaient eu beau me parler de Kim Thuy, jamais je n’aurais pu penser avoir un tel coup de coeur à la lecture de « Ru ». Oui je me rends bien compte aujourd’hui du bruit que sa publication avait suscité, mais comme souvent je suis passée à côté, méfiante de tous ses échos par trop positifs. J’ai donc ouvert cet ouvrage sans aucune arrière pensée, attendant de voir… Et je suis restée scotchée… Devant tant de douceurs, de vie, de mots de tendresse et de cris silencieux.
La sensation de lire un carnet de bord, non pas tant par l’histoire elle-même, mais par la présentation du texte, écrit sur une page, deux… des mots simples qui racontent son passé, sa traversée, son arrivée au Québec mais aussi aujourd’hui sa vie, ses enfants. 147 pages pour dire tant dans un espace si restreint ! Mais oui cela est possible et tout se tient, se lient avec une sensibilité extrême. A chaque page, microcosme, je reste muette devant des faits tragiques ou du quotidien et qui tous me plongent dans une émotion intense. Qu’elle parle de son passé, de la fuite de sa famille, de son arrivée au Québec et de l’accueil qu’ils reçurent. De simples sourires, des gestes de la main ou simplement une présence. Des bonnes volontés et une aide significative quand tout vous est étranger, quand votre monde s’écroule.
Et ces mots lorsque l’auteur évoque son monde du silence lors de son déracinement et le rapporte à celui de son fils autiste. Non, elle ne cherche pas le pathos, juste à nous évoquer sa vie, ses sentiments. Une berceuse, un rappel à la vie. Le tout avec respect qui se retrouve également dans sa dédicace : « Aux gens du Pays ». Celui qu’elle a dû quitter, comme celui dans laquelle elle a désormais fait sa vie.
Si vous ne l’avez pas encore lu, une lecture s’impose et sinon, la relecture reste sans aucun doute, un bonheur. Je vais de ce pas l’offrit à ma soeur et à une amie.
Mãn. Kim Thuy. Liana Levi, 2013. 143 pages
« Maman et moi, nous ne nous ressemblons pas. Elle est petite, et moi je suis grande. Elle a le teint foncé, et moi j’ai la peau des poupées françaises. Elle a un trou dans le mollet, et moi j’ai un trou dans le cour. »
Face à la force de ce premier ouvrage, j’ai eu du mal à me glisser dans « Mãn ». Attendais-je une suite ? Je ne sais pas vraiment. Mais il m’a fallu un peu plus de temps avant de prendre conscience, une nouvelle fois, de la beauté du texte. Là-aussi, Kim Thuy s’inspire de son histoire, mais la raconte autrement. Son héroïne est déjà adulte lorsqu’elle arrive au Québec. Et sa vie passée, comme celle de sa mère se télescopent. Il faudra du temps et l’amitié / la force d’une amie québécoise pour que cette restauratrice s’épanouisse et découvre la passion.
Une nouvelle fois, un superbe texte. « Vi » m’attend déjà.