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Dahmer, Derf Beckderf, Festival America, ordures ménagères, poubelles, quotidien, Serial Killer, société de consommation
Soyons honnêtes, jamais je n’avais pensé ouvrir un volume de Derf Backderf. J’aime le roman graphique mais ses couvertures et titres n’avaient jamais suscités mon intérêt. J’ai pris ces 2 ouvrages par curiosité parce que Backderf est un des invités du Festival America (pour une fois que j’essaie de m’y prendre tôt et de découvrir/ redécouvrir les auteurs présents). Et je dois avouer que j’ai été très agréablement surprise.
Si « Mon ami Dahmer » me laissait dubitative par son sujet, une certaine crainte de voyeurisme et d’un thème trop trash pour moi, je n’ai finalement eu aucun soucis avec ma lecture. Il est certain que, contrairement aux américains, le sujet me parle moins car j’ignorais tout de ce Serial Killer. En s’intéressant aux années d’enfance de cet homme, Derf Backderf sans vouloir juger ou justifier les actes de Dahmer raconte en partie l’ignorance des adultes vis à vis de cet enfant / adolescent perdu qui se cherche désespérément une vie sociale, un point d’accroche en dehors d’une vie familiale explosive et dans laquelle il semble juste un élément faisant partie du paysage. Un jeune homme qui cherche à attirer l’attention en faisant rire, déstabilisant par ses actes et son élocution. Mais tout cela reste superficiel et ne suffira pas à l’intégrer totalement dans le groupe d’amis de l’auteur. Je lisais hier sur une affichette cherchant à vendre : ‘Chaque assassin est probablement le vieil ami de quelqu’un’ ; c’est bien le cas pour Derf Backerf, même si cette notion d’amitié est restée une parenthèse, elle lui a permis de mettre en lumière via ses souvenirs et ceux de son entourage de l’époque, une autre vision de cet homme.
Son dernier ouvrage « Trashed » m’a davantage parlé. A la fois superficielle et grave, mais point de mort d’hommes par acte de violence ici donc même si tout est loin d’être rose dans cette année directement inspirée de sa jeunesse et de son métier de poubellier. Et oui le métier d’éboueur n’est pas celui qui fait rêver que l’on vive à Paris ou dans une ville des Etats-Unis. Et comme le disent si justement ces pages, une fois le sac poubelle mis dehors, nous oublions rapidement ce qu’il devient et qui s’en occupe.
Qu’il pleuve, vente, neige ou autre, nous suivons l’équipe de Derf confrontée à un chef quasi tyrannique avec eux et qui répond positivement à toutes les sollicitations des administrés afin de garder sa place, son pouvoir. Une petite mafia locale règne sur la ville et ce service n’est pas exempt des tiraillements et intérêts divers des services de la ville.
Je dois avouer que sur un sujet peu sexy, l’auteur a réussi à me faire rire, à m’attacher aux personnages. En même temps il nous donne un rapide historique des ordures ménagères, de l’évolution du ramassage des ordures et de la gestion de ses immondices : ménagères, crottes de chien, produits polluants, vieille voiture découpé afin de ne pas faire appel à un service plus approprié, branches d’arbres ou pelouses. Les services de la ville sont innombrables mais quasi tout fini au même endroit dans cette région des Etats-Unis : dans une décharge à ciel ouvert où tout est compacté, « rangé » et où une fine couche de terre cache la misère. Alors oui nous sommes aux US et l’Europe fait un peu mieux, comme nous le rappelle l’auteur. Néanmoins, notre système de consommation à outrance n’a fait que croître les sacs dont nous croyons nous débarrasser. Nous croyons nous donner bonne conscience en triant un peu, mais le problème reste inexorable dans l’immédiat.
Problème de société, mainmise de quelques personnes sur un commerce juteux et vision sociale. C’est de tout cela dont parle Derf Backderf évoquant en parallèle la crise économique qui jette des familles à la rue et dont la vie se retrouve sur le trottoir une fois les banques les ayant expropriées. Oui la vision est parfois crue, mais avec tant de situations si cocasses et délirantes que la pilule, même un peu amère, passe sans problème avec une formidable envie de relecture et une autre vision vers ces hommes qui font un travail bien ingrat, loin de sentir les parfums dont nous abreuvent les annonceurs.
Mon ami Dahmer / Derf Backderf. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fanny Soubiran. Cà et là, 2013. 222 pages
Trashed . Derf Backderf. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Philippe Touboul. Cà et là, 2015. 237 pages