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Comme un frère / David Treuer. Traduit de l’américain par Marie-Claire Pasquier. Albin Michel, 2002 (Terres d’Amérique). 330 pages
Little, son premier roman, a été pour de nombreux lecteurs la révélation d’un incroyable talent. Dans Comme un frère, David Treuer donne la pleine mesure de son univers d’écrivain avec cette même gravité, à la lisière de la poésie et du réalisme, qui fait toute la force de son écriture. Dans le Southside de Minneapolis, un quartier rongé par la misère, Simon, un jeune Indien, sort de prison où il a purgé une peine de dix ans pour le meurtre de son frère. Il lui faut maintenant retrouver une place parmi les siens et prendre un nouveau départ. Mais ce dont rêve avant tout Simon, c’est de réconcilier passé et présent. Il se met alors en quête d’une impossible rédemption… Entre ombre et lumière, violence et fragilité, Comme un frère porte un regard intense sur la vie et les êtres.
En attendant Septembre et Le mois américain chez Titine qui me permettra de vous parler du dernier David Treuer « Et la vie nous emportera » – Merci aux Editions Albin Michel – , voici un de ses ouvrages plus ancien.
Comme dans un précédent roman dont je vous ai parlé il y a peu, on retrouve un esprit similaire : la place de l’indien dans la ville, la réserve, les souvenirs d’enfance, la famille et l’absence des échanges verbaux. Comme je l’ai lu dans des critiques passées, c’est un ouvrage fort sombre mais prenant pour qui sait écouter les silences et les chagrins qui en découlent.
Cette famille je lui ai trouvé de nombreuses similitudes avec la ville de Minneapolis : elle s’élève, des bâtiments sont détruits pour mieux la faire renaître de ses cendres ; les indiens sont invités à quitter leurs réserves pour l’y aider, puis brusquement tel un château de cartes, une pièce s’effondre et tout va s’écrouler : pièce par pièce. Alors oui, ici et là, les blessures sont calfeutrées, un semblant de renouveau apparaître, mais les fissures sont toujours là et plus rien ne sera jamais comme avant, jusqu’à ce que les démolisseurs interviennent. Mais, cette histoire, c’est aussi un formidable hommage à la place de la femme, de la mère prête à tout pour sauver un semblant d’équilibre, sa famille.
Betty est là, veuve, essayant de porter à bout de bras sa vie, ses 4 enfants, puis son petit-fils lorsque nous la rencontrons pour la première fois. A travers son regard, celui de son fils, Simon, c’est leur histoire et celle des indiens espérant une vie meilleure, moins difficile et faîte de promesses non tenues que nous allons les suivre. Retours en arrière, moments présents et espoirs de tous les instants nous font partager leur vie. Grâce à ces virgules dans le passé : le jour du décès du père, l’arrivée en ville, le premier chèque reçu et les courses qui s’ensuivent, le quotidien des enfants et la complicité des deux frères, la vie et les sourires, la curiosité et l’attente ne sont que plus grandes, cherchant à comprendre ce fratricide qui nous semble impossible.
Mais certains changements sont parfois trop difficiles, les silences également. Et malgré la complicité de One-Two, vétéran de la guerre de Corée et protecteur discret de la famille, des épaules qui cherchent à vous aider, la vie poursuit son chemin, apportant son lot de chagrins. Alors, non, ce livre n’est pas plombant comme vous pourriez le craindre, il décrit avec amour la fragilité de l’existence et des êtres, les choix bons ou mauvais. Le tout d’une plume subtile qui permet de tourner les pages et de le refermer sans regret pour le temps consacré à le découvrir.