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Bob Marley, Festival America, gang, Jamaïque, Miami, New York
Brève histoire de sept meurtres / Marlon James. Traduit de l’anglais (Jamaïque) par Valérie Malfoy. Albin Michel, 2016 (Terres d’Amérique). 846 pages
Kingston, 3 décembre 1976. Deux jours avant un concert en faveur de la paix organisé par le parti au pouvoir, dans un climat d’extrême tension politique, sept hommes armés font irruption au domicile de Bob Marley. Le chanteur est touché à la poitrine et au bras. Pourtant, à la date prévue, il réunit 80 000 personnes lors d’un concert historique
Construit comme une vaste fresque épique abritant plusieurs voix et des dizaines de personnages, ce livre monumental, couronné par le Man Booker Prize 2015, nous entraîne en Jamaïque et aux États-Unis, des années 1970 à nos jours. Convoquant hommes politiques, journalistes, agents de la CIA, barons de la drogue et membres de gangs, il s’interroge avec force sur les éternelles questions du pouvoir, de l’argent, de la politique et de la violence du monde.
Le challenge est difficile. Comment vous parlez, racontez un peu ce roman qui fait quand même plus de 800 pages ? Alors oui vous pourriez vous contenter de la 4ème de couverture, mais il y a tant de ramifications dans ce pavé qu’il faut bien évoquer quelques traits essentiels et vous dire ce que j’ai aimé et ce qui m’a laissé totalement froide. Car oui, encore une fois, certains passages ne m’ont pas enchanté, mais, même si je les ai trouvé bavards, voir inutiles, ils peuvent se comprendre dans le projet de l’auteur. Avant de vous en dire plus, sachez que si vous ne parvenez pas à trouver la force, physique, ou le temps pour venir à bout, Marlon James a signé un contrat d’adaptation télévisuelle. Le premier « Action » n’est pas encore lancé, mais tout cela est dans les tuyaux.
Ce roman fut pour moi une découverte. Je ne connais absolument rien à la Jamaïque (politiquement, sociologiquement), rien (tellement peu) à Bob Marley que j’ai été jeté dans le grand bain. Car, si ces 7 petits meurtres tourneront autour de la tentative d’assassinat du chanteur, vous allez découvrir que différents courants furent impliqués. Les politiciens au pouvoir, les querelles de gangs, la peur pour les USA que la Jamaïque ne devienne communiste comme Cuba. La violence est partout présente. Elle semble endémique dans l’île et toujours plus encouragée par les différents bras qui tentent de manipuler les uns et les autres. Pour mieux nous faire comprendre la vie, les intentions des nombreux protagonistes, l’auteur a eu l’idée de les faire parler, de les suivre. Chaque chapitre donne voix et corps à l’un d’entre eux, parfois ils seront récurrents, d’autres viennent juste le temps de ces quelques lignes (c’est la notion de chant choral évoqué notamment dans l’article des Echos ; notion utilisée de plus en plus et qui m’agace un tantinet, même si dans le cas présent il se justifie). C’est certainement ce qui déstabilise le plus le lecteur, qui a la sensation de se perdre dans ces personnages et, comme je le mentionnais certains m’ont laissé de marbre (quand le chapitre est décrit par la voix d’un junkie par exemple, j’avoue avoir lu quasi en transversale) ; fort heureusement ils sont restés rares.
Grand merci à l’auteur de nous avoir fourni un rappel de tous les noms et « qualité » de ses intervenants. Cette enquête se situant entre 1959 et 1991 (1976 en réalité, 1959 étant un point de référence), il vous sera très utile de vous reporter à ses 4 pages initiales de temps en temps.
En plus de cette île de la Jamaïque, vous allez découvrir la place peu enviable de la femme, de cette terreur continuelle de l’existence. Au travers d’un beau personnage féminin (si, si), la quête à la fin de ses années 70 des jamaïcains de fuir leur pays pour les USA, leur place peu enviable dans la communauté, comme pour bon nombre d’émigrés clandestins.
Difficile au premier abord mais je n’ai pas regretté le temps passé une fois la dernière page tournée. – Merci aux Editions Albin Michel –