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Angela Flournoy, Detroit, famille, frères et soeurs, noirs américains, subprimes, vieillesse
La maison des Turner / Angela Flournoy. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne-Laure Tissut. Les Escales éditions,2017. 346 pages.
Partez à la rencontre de la famille Turner : treize frères et soeurs qui se chamaillent et qui s’aiment passionnément. Unanimement salué par la critique, La Maison des Turner inaugure le renouveau du grand roman américain. Cela fait plus de cinquante ans que la famille Turner habite Yarrow Street, rue paisible d’un quartier pauvre de Detroit. La maison a vu la naissance des treize enfants et d’une foule de petits-enfants, mais aussi la déchéance de la ville et la mort du père. Quand Viola, la matriarche, tombe malade, les enfants Turner reviennent pour décider du sort de la maison qui n’a désormais plus aucune valeur, la crise des subprimes étant passée par là. Garder la maison pour ne pas oublier le passé ou la vendre et aller de l’avant ? Face à ce choix, tous les Turner, de Cha-Cha, le grand frère et désormais chef de famille, à Lelah, la petite dernière, se réunissent.
Je suis tombée totalement sous le charme de l’écriture d’Angela Flournoy. Elle nous fait vivre à travers cette famille de noirs américains l’ascension et la chute de Détroit en parallèle de l’existence des parents Turner. Nous plongeant dans cet univers familial alors que Viola vit ses derniers moments entourée comme depuis toujours par ses proches mais sans pathos excessif. Bien entendu tous ses enfants s’interrogent sur le devenir de La Maison, plombée par les subprimes et dans un quartier qui ne fait que chuter. Mais comment enrayer cela ? Plusieurs membres de la famille cherchent des solutions plus ou moins légales parfois, ce qui nous permet de nous immiscer dans leurs souvenirs liés à cette bâtisse.
Si l’on suit cette histoire avant tout au travers des yeux des 2 membres extrêmes de la fratrie, Cha-Cha, l’ainé et Lelah, la cadette, l’auteur nous narre sans jamais nous perdre le fil de l’existence de leurs parents : quand leur père est arrivé à Détroit, laissant Viola seule avec Cha-Cha. Cette insertion du passé dans les quelques semaines de narration va nous permettre d’en apprendre à la fois davantage sur eux, sur leur passé et sur une certaine forme de réussite liée à l’achat de cette maison. Viola et Francis, son mari n’étaient pas des saints, ni l’un ni l’autre, la vie n’a pas toujours été rose mais leur attachement à leur famille était réel. Ils ont su créer ces liens que l’on retrouve aujourd’hui dans l’existence des Turner. Depuis la disparition de leur père, et par son statut d’aîné, Cha-Cha est perçu comme le chef de cette famille très élargie. Si jusque-là il ne regardait pas cela comme un fardeau, l’âge, et la prochaine disparition des piliers que sont sa mère et cette maison l’entraîne vers autre chose. Cha-Cha se cherche. Mais il n’est pas le seul car sa plus jeune soeur continue de se perdre. Le jeu est sa passion. C’est avec son expulsion que débute cet ouvrage.
Alors que tous deux tentent une introspection, ou essaient de comprendre des traces de leur passé, les secrets familiaux éclairent d’un nouveau jour certains actes ou propos : une histoire de fantôme prédomine (qui peut faire tiquer les plus sceptiques, même si pour moi il s’agit davantage d’une allégorie). La famille, les rivalités entre frères et soeurs, la vieillesse sont quelques-uns des thèmes majeurs de ce 1er roman, bien écrit et qui se lit plus facilement encore grâce à l’arbre généalogique disponible en début d’ouvrage. Bien entendu vu le nombre d’enfants et le choix de l’auteur de s’attacher à certains plus qu’à d’autres alors que leurs personnalités semblent toutes intéressantes on pourrait se sentir un peu léser, mais le choix s’avère assez judicieux et permet de fermer la boucle de ce roman.