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L’épouse / Meg Wolitzer. Traduit de l’américain par Johan Frederik Hel Guedj. Bernard Grasset, 2005. 332 pages
Les couples les plus célèbres, portés par le talent et la gloire, vivent parfois avec des secrets inavouables qui cimentent leur existence jusqu’au jour où…Ainsi des Castleman : le mari a connu un succès foudroyant avec son premier roman et va recevoir un des plus prestigieux prix littéraires pour couronner son oeuvre ; l’épouse l’a soutenu depuis toujours avec abnégation, page après page, livre après livre, malgré ses excès, son égocentrisme et ses infidélités. A 35 000 pieds au-dessus de l’Atlantique, tandis qu’ils volent vers Helsinki, Joan décide de quitter son mari… Devra-t-elle pour cela briser leur secret au risque de tout perdre…
L’évidence saute aux yeux dès les premières pages et pourtant…. ce n’est pas sur ce chemin facile que nous entraîne Meg Wolitzer. Un à un, elle nous décrit les souvenirs de l’épouse, de sa rencontre jusqu’au moment présent. Des difficultés de l’existence avant que son mari ne connaisse la reconnaissance, de la difficulté de l’écriture mais surtout du quotidien avec un homme qui bien avant d’être acclamé par ses pairs et le public était très attiré par les femmes, faisant peu de cas de sa situation matrimoniale. En narrant les prix, distinctions reçus par le mari / l’auteur, elle ironise sur la place des conjoints (rarement masculins) ; femme de, elle se doit d’être présente, de faire bonne figure tout en restant en retrait afin que les fans puissent approcher le grand homme, et plus si affinités.
Cette épouse qui avait cru trouver le bonheur, l’émancipation comme l’échange intellectuel avec celui qui fut en premier lieu son professeur, nous montre comment elle a poursuivi cette quête tout au long de leur vie, mais sans en retirer d’autre gloire que le fait d’être Madame Castleman, l’épouse de. Elle s’interroge, une nouvelle fois, sur sa position, sur l’impact qu’a eu la notoriété, sa disponibilité de tous les instants pour son mari, sur ses propres enfants. En cet ultime moment de gloire, elle remet en cause sa place, le profond égoïsme de l’homme, cet être qu’elle connait si intimement. Et pourtant, ce si mince aura sur sa personne est enviée, jalousée et fait l’objet de flatteries de la part d’un homme antipathique, Nathaniel Bone, qui souhaite écrire l’autobiographie de l’écrivain depuis des années. Elle l’a jusque-là repoussé, mais, aujourd’hui, alors que sa décision est prise de le quitter, va-t-elle se laisser tenter de dire sa vérité, les travers et secrets de son mari ? Voilà bien l’ultime tour de force de ce roman à la fois amer et cynique par bien des passages. Meg Wolitzer raconte à merveille les réunions de ces auteurs, leur attachement à leur double mais comment ils savent également admirablement les tromper. Tout a sans doute déjà été dit sur le nombrilisme de l’auteur mais l’originalité de la forme lui permet de renouveler le propos.
En dépit de toutes ses qualités, ce roman laisse un sentiment d’amertume à la femme que je suis, car comme vous vous en doutez bien, cette épouse avait du talent mais, peu encouragée par les femmes auteurs qu’elle avait rencontrées au cours de ses années de lycée, comme par son cher mari, trop imbu de sa personne et de sa prose, son nom n’a jamais pu émerger dans le milieu littéraire. Une lecture intéressante mais en demi-teinte.