Un très grand merci tout d’abord à In Cold Blog !
(je sais que je vais avoir une remarque, mais tant pis) grâce à qui j’ai découvert ce livre et qui m’a signalée la présence de Joseph Boyden au Centre culturel canadien mardi dernier.

Lorsqu’Incoldblog me parle de cet auteur : gros blanc !!! Je me renseigne un peu car je dois aller rendre une petite visite à la librairie où travaille Emeraude pour d’autres emplettes.
4ème de couverture du « Chemin des âmes » : « Ce n’est pas un livre pour moi ! Cela parle de la 1ère Guerre mondiale, non vraiment. Et si je me laisais tenter par ses nouvelles « Là-haut vers le nord« , cela m’inspire davantage. Pas sortie en poche, et comme je ne connais pas et que je ne vais pas prendre le temps de le feuilleter, trop occupée à papoter un peu 😀 ».
Bref je suis repartie avec le premier roman de Joseph Boyden ! Que vous dire ?

J’ouvre ce livre dimanche soir, après un week-end trèèèès fatiguant, et, en dépit de mes craintes, je ne parviens plus à m’en arracher alors que je sais qu’il me faut dormir.
La plume est là : des phrases courtes, mais si expressives. La nature est décrite avec une justesse que l’on pourrait croire qu’un film* se déroule devant vos yeux. Je suis conquise.
Bien entendu tout n’est pas idyllique dans ce roman, car là n’est pas le but ;  les scènes de combat, les sniper, les assauts tout est retranscrit avec un grand sens du détail, mais cela reste du réalisme sans volonté d’écoeurement. L’auteur a souhaité rendre hommage aux amérindiens qui sont venus combattre durant la Première Guerre Mondiale, et comme le dit un ami de Nishka, quelque soit leurs exploits, une fois de retour au pays, ils ne seront que des indiens comme les autres, ne tirant aucune gloire de leur courage. [Francis Pegahmagabow fut un de ces hommes, comme le rappelle l’auteur dans ses remerciements]
A travers l’errance de Xavier, ombre de lui-même sous la dépendance de la morphine, qui revit pour nous les épisodes vécus en France, et les événements de sa vie que lui raconte Niska afin de le rappeler à la Vie, on découvre la souffrance de ces amérindiens ; un combat qui commence dès le quotidien, mais qui n’empêche pas l’espoir d’être toujours présent.
J. Boyden nous rappelle la tentative d’acculturation vécue dès l’enfance, qui se traduit pour tous ceux qui résistent par l’isolement, la marginalisation.
 « (…) Encore une fois, Neveu, tu dois comprendre qu’en ce monde de peine, il faut les saisir à pleines mains, ces rares moments de bonheur qui nous sont concédés (…)  » – Nishka, p. 213

« (…) Mais surtout, je dirai aux anciens comment, après un bombardement, la vie reprend son cours ordinaire, presque aussitôt, comment l’esprit ne tolère pas qu’on s’attarde sur l’horreur de la mort violente (…)  » – Xavier, p.114

Que ce soit dans cette guerre de tranchées incompréhensible aux yeux des hommes qui bataillent pour une colline, une tranchée prise à l’ennemie etc… ou dans la volonté de détruire des hommes de culture et de vision différente, la volonté reste la même : une Guerre physique ou psychologique d’où bien peu vont réussir à sortir. Alors qu’Elijah semblait avoir remporté la bataille dans son pays, cet affrontement dans une terre inconnue le mène vers une folie autre mais qui l’empêchera de revenir dans sa patrie. Quasi orphelin, lui et Xavier sont frères, s’épaulent depuis l’enfance, mais en dépit de cette solidarité, il ira chercher trop loin « son bonheur » pour parvenir à revenir.

« (…) Je ramasse un bâton pour tisonner le feu ; je contemple la rivière qui passe devant nous, cette rivière qui nous emporte toujours plus loin dans les bois. Aujourd’hui encore, je reconnais à peine les lieux. Je tâche d’écarter cette pensée, la peur d’arriver là où nous n’étions jamais allés, mais elle continue de me tourmenter, comme un sale gosse qui nous lancerait des pierres depuis la rive (…) » – Nishka, p. 272

Au cours de la soirée de présentation de son nouveau roman « Les saisons de la solitude « , j’ai appris que ce livre était en fait le second volume d’une trilogie voulue par J. Boyden, qui souhaite néanmoins permettre à tout lecteur de lire indépendamment chacun des titres.
Pourquoi une trilogie alors me direz-vous ? Car on y retrouve les descendants de Nishka et Xavier et la notion de la solidarité familiale, la quête de l’amour au sens large, ainsi que les thèmes de l’isolement, la marginalisation, la perte de la culture, mais également que l’on sort plus fort de ses échecs (cf
supra).
Papillon a été conquise par ce second volet. Après avoir écouter l’auteur j »étais déjà tentée, mais les échos lus ici et là ne font qu’aggraver mon cas :s
cf * : Parlant toujours de son nouvel opus, J. Boyden a raconté qu’il voyait les scènes se déroulant à Toronto et New-York comme un film.

Le chemin des âmes / Joseph Boyden. Traduit de l’anglais (Canada) par Hugues Leroy. Albin Michel, Le Livre de Poche, 2008 . 471 pages
1919.
Nord de l’Ontario. Niska, une vieille Indienne, attend sur un quai de gare le retour d’Elijah, un soldat qui a survécu à la guerre. A sa grande surprise, l’homme qui descend du train est son neveu Xavier qu’elle croyait mort, ou plutôt son ombre, méconnaissable. Pendant trois jours, à bord du canoë qui les ramène chez eux, et tandis que sa tante essaie de le maintenir en vie, Xavier revit les heures sombres de son passé : l’engagement dans l’armée canadienne avec Elijah, son meilleur ami, et l’enfer des champs de bataille en France…